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Fuis moi je te suis, suis moi je te fuis, ou le « paradoxe de la passion »

Fuis moi je te suis
 
Tous les couples passent par les mêmes étapes, les mêmes conflits et traversent tous des moments critiques. Les couples sont aux prises avec une même dynamique développée par Dean Delis, et Cassandra Phillips dans leur ouvrage « Le paradoxe de la passion – Les jeux de l’amour et du pouvoir »

Le paradoxe de la passion pourrait se résumer au fait que l’un des deux partenaires est plus amoureux ou plus investi dans la relation que l’autre. Pour schématiser grossièrement, on dira : un dominant et un dominé (même si je ne suis pas fan de cette terminologie). Plus celui-ci demandera de l’amour à l’autre, moins ce dernier sera disposé à lui en donner.

Dans la mesure où le sentiment amoureux est biochimiquement lié à la sensation de perte de contrôle, lorsque l’on est sûr des sentiments de l’autre, la « passion » a tendance à faiblir. C’est surtout pour le côté dominant.


 

La passion et la sensation de danger que nous inspire l’amour proviennent essentiellement de l’angoisse du rejet et de l’abandon. Et ces angoisses nous mettent précisément à la merci de sentiments tels que l’obsession, la jalousie, le doute. Pour nous protéger, nous tentons d’évaluer et de décoder constamment les comportements amoureux de notre partenaire. C’est globalement pour le côté dominé.

Mais nous cherchons aussi, lorsque nous sommes « rassurés », à prendre le pouvoir dans la relation, le « contrôle émotionnel de l’autre ».

Rappelons que toute relation est une recherche d’équilibre.

Lorsque l’un des deux a le sentiment de perdre le « contrôle », il va paniquer et chercher à rétablir la situation en devenant dépendant de son partenaire. Dépendance qui va induire une résistance de la part de l’autre. Et c’est sans compter sur l’ambivalence affective qui est « l’attirance et l’aversion simultanée pour une personne » présente chez les deux.

Pour être plus concret, il y a dans de nombreuses relations, un dominant (qui cherche l’indépendance) et un dominé (qui cherche la fusion). Ces deux-là jouent alors au chat et à la souris et au “Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis”.

Plus le dépendant est en demande, plus l’indépendant se met en retrait. Cela dure un certain temps voire un temps certain, en général jusqu’à ce que l’angoisse devienne trop forte chez le dépendant qui peut alors décider, pour se protéger, de mettre ses distances voire de stopper la relation. Mais lorsque le dominant le découvre, il n’est pas rare que les positions de pouvoir respectives s’inversent brusquement.

L’amour est bien un sentiment relatif qui peut disparaître et réapparaître en fonction des dynamiques relationnelles qui opèrent entre les partenaires.

Mais sur quoi s’appuie ce paradoxe de la passion ?

Nous nous sommes construits sur des modèles d’attachement dans la petite enfance qui ont été mis à jour par John Bowlby, un psychiatre et psychanalyste britannique.
John Bowlby décrivait quatre styles d’attachement :

• Style d’attachement sécure ou sécurisant (les émotions de l’enfant sont adaptées lors du départ et du retour de la figure d’attachement)
• Style d’attachement insécure évitant (émotions sous-exprimées)
• Style d’attachement insécure anxieux (émotions sur-exprimées)
• Style d’attachement désorganisé (émotions contradictoires et inadaptées)

Pour le modèle évitant, en amour, sont érigées en dogme leur indépendance, leur liberté, leur autonomie. Ainsi, tout ce qui prend la forme d’un engagement, de près ou de loin, leur donne de l’urticaire et peut les faire réagir de manière inappropriée (rupture soudaine de la relation dès que le partenaire évoque des projets ou des situations un peu plus implicantes). L’avantage des évitants (si l’on peut dire) est qu’en cas de rupture, ils semblent moins souffrir. En résumé, pour les personnes au style d’attachement évitant, l’amour devient un problème quand la relation devient “sérieuse” (vue de leur fenêtre).

Pour le modèle anxieux, le besoin exacerbé de soins et d’attentions de la part de leurs partenaires est prédominant. Ces personnes éprouvent une inquiétude disproportionnée vis-à-vis de leur relation dont elles sont souvent dépendantes et ont un grand besoin d’être rassurées. Leur principale inquiétude concerne le rejet ou l’abandon. Du coup, lorsqu’elles perçoivent un éloignement du partenaire (même sans le moindre début d’idée de séparation), elles sont submergées par un flot d’émotions négatives qu’elles ne parviennent pas toujours à contrôler. S’ensuivent alors des comportements inadaptés comme une tendance à l’agressivité (reproches, jalousie, sarcasmes) ou à l’étouffement (possessivité, harcèlement, demandes répétées, appels en tout lieu et à toute heure).

S’ensuit encore l’un des grands classiques des relations humaines : Générer soi-même précisément l’objet de sa propre crainte. Dans le cas présent, la personne au style d’attachement anxieux (dont je rappelle que la crainte principale est le rejet et l’abandon) fera fuir son partenaire qui se sentira sous pression et étouffé par tant de sollicitations. En résumé, pour les personnes au style d’attachement anxieux, l’amour devient un problème quand il semble leur échapper (vue de leur fenêtre).

Pour le modèle désorganisé, c’est un peu un mix des deux premiers. Non seulement elles sont mal à l’aise dans l’intimité, mais paradoxalement elles ont un grand besoin de contact. Généralement elles se trouvent insatisfaites dans leur relation car le manque d’estime d’elles-mêmes ne pourra jamais être comblé par leur partenaire.

Elles adoptent plutôt un comportement ambivalent du genre “Je t’aime, moi non plus” ou “Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis”. Bref, leurs relations sont aussi stables que peut l’être une caisse de nitroglycérine dans un manège à sensation à Disneyland…

En résumé, pour les personnes au style d’attachement préoccupé/fuyant, l’amour est souvent un problème.

On voit donc bien que sont en jeu, dans ce pattern, nos modèles d’attachement névrotiques qui, s’ils n’ont pas été conscientisés puis traités, risquent de mener à des jeux relationnels qui ne seront pas satisfaisants dans le temps.

Tout le monde n’obéit pas à ce pattern mais de manière prévalante ceux qui ont ces types de modèles d’attachement.

Je suis un peu choquée que les coachs en séduction d’aujourd’hui puissent s’adosser à ces théories et ainsi « appuyer » encore un peu plus sur le bouton qui fait mal. Jouer à ce jeu ne me semble pas être une bonne idée ni très sain. C’est « ancrer » encore et toujours des schémas inconscients dysfonctionnels qui ne permettent pas à l’amour vrai et pérenne de se mettre en place.

« Là où règne l’amour, point de volonté de pouvoir; là où prédomine le pouvoir, l’amour n’a pas sa place. L’un à l’autre porte ombrage. » C. G. Jung

Par Bechir Houman


Source : https://batinote.wordpress.com/

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